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Le peintre dit à Annette :

— Dis donc, petite ! est-ce que ça t’ennuierait de me poser une figure, une fois ou deux ?

— Mais non, au contraire !

— Regarde bien cette demoiselle qui se promène dans l’idéal.

— Là, sur cette chaise ?

— Oui. Eh bien ! tu t’assoiras aussi sur une chaise, tu ouvriras un livre sur tes genoux et tu tâcheras de faire comme elle. As-tu quelquefois rêvé tout éveillée ?

— Mais, oui.

— À quoi ?

Et il essaya de la confesser sur ses promenades dans le bleu ; mais elle ne voulait point répondre, détournait ses questions, regardait les canards nager après le pain que leur jetait une dame, et semblait gênée comme s’il eût touché en elle à quelque chose de sensible.

Puis, pour changer de sujet, elle raconta sa vie à Roncières, parla de sa grand’mère à qui elle faisait de longues lectures à haute voix, tous les jours, et qui devait être bien seule et bien triste maintenant.

Le peintre, en l’écoutant, se sentait gai comme un oiseau, gai comme il ne l’avait jamais été. Tout ce qu’elle lui disait, tous les menus et futiles et médiocres détails de cette simple existence de fillette l’amusaient et l’intéressaient.