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qui, à partir de sept heures du soir, ne savent plus que faire et dînent au Cercle pour s’accrocher, grâce au hasard d’une rencontre, à quelque chose ou à quelqu’un.

Quand les cinq amis se furent assis, le banquier Liverdy, un homme de quarante ans, vigoureux et trapu, dit à Bertin :

— Vous étiez enragé, ce soir.

Le peintre répondit :

— Oui, aujourd’hui, je ferais des choses surprenantes.

Les autres sourirent, et le paysagiste Amaury Maldant, un petit maigre, chauve, avec une barbe grise, dit d’un air fin :

— Moi aussi, j’ai toujours un retour de sève en Avril : ça me fait pousser quelques feuilles, une demi-douzaine au plus, puis ça coule en sentiment ; il n’y a jamais de fruits.

Le marquis de Rocdiane et le comte de Landa le plaignirent. Plus âgés que lui, tous deux, sans qu’aucun œil exercé pût fixer leur âge, hommes de cercle, de cheval et d’épée à qui les exercices incessants avaient fait des corps d’acier, ils se vantaient d’être plus jeunes, en tout, que les polissons énervés de la génération nouvelle.

Rocdiane, de bonne race, fréquentant tous les salons, mais suspect de tripotages d’argent de toute nature, ce qui n’était pas étonnant, disait Bertin,