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fort comme la mort


S’enfermant alors dans l’atelier, il s’exalta devant le portrait, les lèvres chatouillées de l’envie de se poser sur la peinture où quelque chose d’elle était fixée ; et de moment en moment, il regardait dans la rue par la fenêtre. Toutes les robes apparues au loin lui donnaient un battement de cœur. Vingt fois il crut la reconnaître, puis, quand la femme aperçue était passée, il s’asseyait un moment, accablé comme après une déception.

Soudain, il la vit, douta, prit sa jumelle, la reconnut et, bouleversé par une émotion violente, s’assit pour l’attendre.

Quand elle entra, il se précipita sur les genoux et voulut lui prendre les mains ; mais elle les retira brusquement, et comme il demeurait à ses pieds, saisi d’angoisse et les yeux levés vers elle, elle lui dit avec hauteur :

— Que faites-vous donc, Monsieur, je ne comprends pas cette attitude ?

Il balbutia :

— Oh ! Madame, je vous supplie…

Elle l’interrompit durement.

— Relevez-vous, vous êtes ridicule.

Il se releva, effaré, murmurant :

— Qu’avez-vous ? Ne me traitez pas ainsi, je vous aime !…