Quand elle s’asseyait pour lire ou pour écrire, dans
le salon aux tapisseries, sa pensée, un instant distraite
par cette besogne nouvelle, revenait bientôt à son
obsession. Elle luttait, essayait de se distraire, d’avoir
d’autres idées, de continuer son travail. C’était en vain,
la piqûre du désir la harcelait, et bientôt sa main, lâchant le livre
ou la plume, se tendait
par un mouvement irrésistible vers la petite
glace à manche de
vieil argent qui traînait sur son bureau.
Dans le cadre ovale
et ciselé son visage
entier s’enfermait
comme une figure
d’autrefois, comme un
portrait du dernier siècle, comme un pastel jadis frais que le soleil avait
terni. Puis, lorsqu’elle s’était longtemps contemplée, elle reposait, d’un mouvement
las, le petit objet sur le meuble et s’efforçait de se
remettre à l’œuvre, mais elle n’avait pas lu deux pages
ou écrit vingt lignes, que le besoin de se regarder
renaissait en elle, invincible et torturant ; et elle tendait de nouveau le bras pour reprendre le miroir.
Elle le maniait maintenant comme un bibelot irritant et familier que la main ne peut quitter, s’en servait à tout moment en recevant ses amis, et s’énervait jusqu’à crier, le haïssait comme un être en le retournant dans ses doigts.