Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/260

Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
fort comme la mort

— Any ! Any ! ma chère, ma chère Any !

Alors, elle, essayant de sourire, et parlant avec cette voix hésitante des enfants que le chagrin suffoque :

— Oh ! mon ami, dites-moi seulement que vous m’aimez encore un peu, moi !

Il se remit à l’embrasser.

— Oui, je vous aime, ma chère Any !

Elle se releva, se rassit auprès de lui, reprit ses mains, le regarda, et tendrement :

— Voilà si longtemps que nous nous aimons. Ça ne devrait pas finir ainsi.

Il demanda, en la serrant contre lui :

— Pourquoi cela finirait-il ?

— Parce que je suis vieille et qu’Annette ressemble trop à ce que j’étais quand vous m’avez connue !

Ce fut lui alors qui ferma du bout de sa main cette bouche douloureuse, en disant :

— Encore ! Je vous en prie, n’en parlez plus. Je vous jure que vous vous trompez !

Elle répéta :

— Pourvu que vous m’aimiez un peu seulement, moi !

Il redit :

— Oui, je vous aime !

Puis ils demeurèrent longtemps sans parler, les mains dans les mains, très émus et très tristes.

Enfin, elle interrompit ce silence en murmurant :

— Oh ! les heures qui me restent à vivre ne seront pas gaies.

— Je m’efforcerai de vous les rendre douces.

L’ombre de ces ciels nuageux qui précède de deux heures le crépuscule se répandait dans le salon, les