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fort comme la mort

Un bruit léger lui fit baisser la tête. Olivier se promenait devant le
château. — « Pourquoi a-t-il dit qu’il rentrait chez lui, pensa-t-elle ; pourquoi ne m’a-t-il pas prévenue qu’il ressortait ? ne m’a-t-il pas demandé de venir avec lui ? Il sait bien que cela m’aurait rendue si heureuse. À quoi songe-t-il donc ? »

Cette idée qu’il n’avait pas voulu d’elle pour cette promenade, qu’il avait préféré s’en aller seul par cette belle nuit, seul, un cigare à la bouche, car elle voyait le point rouge du feu, seul, quand il aurait pu lui donner cette joie de l’emmener ; cette idée qu’il n’avait pas sans cesse besoin d’elle, sans cesse envie d’elle, lui jeta dans l’âme un nouveau ferment d’amertume.

Elle allait fermer sa fenêtre pour ne plus le voir, pour n’être plus tentée de l’appeler, quand il leva les yeux et l’aperçut. Il cria :

— Tiens, vous rêvez aux étoiles, comtesse ?

Elle répondit :

— Oui, vous aussi, à ce que je vois ?

— Oh ! moi, je fume tout simplement.