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fort comme la mort

rue d’Orient pleine de pestiférés morts, et l’Ombre du Dante en excursion aux Enfers saisissaient et captivaient le regard avec une violence irrésistible d’expression.

On voyait encore, dans la pièce immense, une charge de cavalerie, des tirailleurs dans un bois, des vaches dans un pâturage, deux seigneurs du siècle dernier se battant en duel au coin d’une rue, une folle assise sur une borne, un prêtre administrant un mourant, des moissonneurs, des rivières, un coucher de soleil, un clair de lune, des échantillons enfin de tout ce qu’on fait, de tout ce que font et de tout ce que feront les peintres jusqu’au dernier jour du monde.

Olivier au milieu d’un groupe de confrères célèbres, membres de l’Institut et du Jury, échangeait avec eux des opinions. Un malaise l’oppressait, une inquiétude sur son œuvre exposée, dont, malgré les félicitations empressées, il ne sentait pas le succès.

Il s’élança. La duchesse de Mortemain apparaissait à la porte d’entrée.

Elle demanda :

― Est-ce que la comtesse n’est pas arrivée ?

— Je ne l’ai pas vue.

— Et M. de Musadieu ?

— Non plus.

— Il m’avait promis d’être à dix heures au haut de l’escalier pour me guider dans les salles.

— Voulez-vous me permettre de le remplacer, duchesse ?

— Non, non. Vos amis ont besoin de vous. Nous vous reverrons tout à l’heure, car je compte que nous déjeunerons ensemble.

Musadieu accourait. Il avait été retenu quelques