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une pleine panerée de pardons et deux doigts de gale sous le menton. »

Ces formules variaient d’ailleurs. L’Évêque distribuait aussi des panerées de mal de dents, de queues de rosse, etc. Ces sottes plaisanteries amusaient follement le peuple. Il suffit, du reste, de relire les traits d’esprit, gaudrioles, épigrammes et gauloiseries, même des meilleurs poètes des quinzième et seizième siècles, pour s’assurer que nos pères avaient le rire facilement excitable. C’était de la gaieté lourde, sans dessous malins. Au dix-huitième siècle apparaît l’ironie ; le rire devient sec, perfide, amer, féroce. Au lieu de chatouiller, l’esprit blesse, il tue même.

Aujourd’hui, le plaisir n’est plus gai, nous sommes vieux. On ne rit plus de rien, on sourit seulement, et pas longtemps encore. L’éclatante gaieté de nos grands-pères, la spirituelle raillerie de nos pères ont fait place à l’indifférence. Fini de rire.

Voici, d’après Naudé, ce qu’était la fête des Innocents qui succéda vers le seizième siècle à la fête des Fous. Quel mépris indigné nous aurions pour ces grossières réjouissances, ces incompréhensibles enfantillages :

« Les frères lais occupaient, à l’église,