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sans rien des ennuis ou des servitudes des voyages. Nous avons simplement descendu la Seine, la belle et calme rivière, de Paris à Rouen, dans un de ces petits bateaux à deux personnes qu’on nomme des yoles.

Notre embarcation, si légère qu’un seul de nous peut la porter, longue, mince, élégante, vernie à se mirer dedans, membrée d’acajou, pointue comme une aiguille de bois, si plate qu’elle n’entre point dans l’eau et glisse dessus comme si elle patinait, si mince qu’un pied posé hors des planchers la crèverait aussitôt, si étroite qu’un mouvement brusque la ferait chavirer, nous inspire autant d’affection qu’un être humain.

Elle nous porte, nous berce, nous distrait et nous amuse. Nous la rentrons le soir dans la cour des auberges, où elle dort sa nuit à côté des voitures au repos, nous la lavons chaque jour avec de fines éponges, soignant sa toilette comme celle d’une