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un chagrin… oh ! grande sœur… un chagrin… un chagrin ! J’ai pleuré trois nuits, sans dormir. Il revenait tous les jours, l’après-midi, après son déjeuner… tu te le rappelles, n’est-ce pas ! Ne dis rien… écoute. Tu lui faisais des gâteaux qu’il aimait beaucoup… avec de la farine, du beurre et du lait… Oh ! je sais bien comment… J’en ferais encore s’il le fallait. Il les avalait d’une seule bouchée, et puis il buvait un verre de vin… et puis il disait : « C’est délicieux. » Tu te rappelles comme il disait ça ?

« J’étais jalouse, jalouse !… Le moment de ton mariage approchait. Il n’y avait plus que quinze jours. Je devenais folle. Je me disais : Il n’épousera pas Suzanne, non, je ne veux pas !… C’est moi qu’il épousera, quand je serai grande. Jamais je n’en trouverai un que j’aime autant… Mais un soir, dix jours avant ton contrat, tu t’es promenée avec lui devant le château, au clair de lune… et là-bas… sous le sapin, sous le grand sapin… il t’a embrassée… embrassée… dans ses deux bras… si