Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/321

Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’hésitais. Je croyais bien en effet avoir vu quelque part ce visage ; mais où ? mais quand ? Je répondis :

— Oui… et non… Je vous connais certainement, sans retrouver votre nom.

Elle rougit un peu.

— Madame Julie Lefèvre.

Jamais je ne reçus un pareil coup. Il me sembla en une seconde que tout était fini pour moi ! Je sentais seulement qu’un voile s’était déchiré devant mes yeux et que j’allais découvrir des choses affreuses et navrantes.

C’était elle ! cette grosse femme commune, elle ? Et elle avait pondu ces quatre filles depuis que je ne l’avais vue. Et ces petits êtres m’étonnaient autant que leur mère elle-même. Ils sortaient d’elle ; ils étaient grands déjà, ils avaient pris place dans la vie. Tandis qu’elle ne comptait plus, elle, cette merveille de grâce coquette et fine. Je l’avais vue hier, me semblait-il, et je la retrouvais ainsi ! Était-ce possible ? Une douleur violente m’étreignait le cœur, et aussi une révolte contre