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bouquets ; puis, après une heure de bataille, un peu lasses enfin, elles ordonnent au cocher de suivre la route du golfe Juan, qui longe la mer.

Le soleil disparaît derrière l’Esterel, dessinant en noir, sur un couchant de feu, la silhouette dentelée de la longue montagne. La mer calme s’étend, bleue et claire, jusqu’à l’horizon où elle se mêle au ciel, et l’escadre, ancrée au milieu du golfe, a l’air d’un troupeau de bêtes monstrueuses, immobiles sur l’eau, animaux apocalyptiques, cuirassés et bossus, coiffés de mâts frêles comme des plumes, et avec des yeux qui s’allument quand vient la nuit.

Les jeunes femmes, étendues sous la lourde fourrure, regardent languissamment. L’une dit enfin :

— Comme il y a des soirs délicieux, où tout semble bon. N’est-ce pas, Margot ?

L’autre reprit :

— Oui, c’est bon. Mais il manque toujours quelque chose.