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NOTES D’UN VOYAGEUR.

est ce parfum-là ? Je le connais sans le déterminer. Ah ! j’y suis. Peau d’Espagne ? Cela ne dit rien. Attendons.

La grosse dame dévisage la jeune avec un air d’hostilité qui me donne à penser. Le gros monsieur ferme les yeux. Déjà ! Le bossu s’est roulé en boule. Je ne vois plus où sont ses jambes. On n’aperçoit que son regard brillant sous une calotte grecque à gland rouge. Puis il plonge dans sa couverture de voyage. On dirait un petit paquet jeté sur la banquette.

Seule la vieille dame reste en éveil, soupçonneuse, inquiète, comme un gardien chargé de veiller sur l’ordre et sur la moralité du wagon.

Les jeunes gens demeurent immobiles, les genoux enveloppés du même châle, les yeux ouverts, sans parler ; sont-ils mariés ?

Je fais à mon tour semblant de dormir et je guette.

Neuf heures. La grosse dame va succomber, elle ferme les yeux coup sur coup, penche la tête vers sa poitrine et la relève par saccades. C’est fait. Elle dort.

Ô sommeil, mystère ridicule qui donnes au visage les aspects les plus grotesques, tu es