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LA TOMBE.

Elle portait en elle quelque chose de mon esprit.

« Elle m’apparaissait comme une réponse à un appel jeté par mon âme, à cet appel vague et continu que nous poussons vers l’Espérance durant tout le cours de notre vie.

« Quand je la connus un peu plus, la seule pensée de la revoir m’agitait d’un trouble exquis et profond ; le contact de sa main dans ma main était pour moi un tel délice que je n’en avais point imaginé de semblable auparavant, son sourire me versait dans les yeux une allégresse folle, me donnait envie de courir, de danser, de me rouler par terre.

« Elle devint donc ma maîtresse.

« Elle fut plus que cela, elle fut ma vie même. Je n’attendais plus rien sur la terre, je ne désirais rien, plus rien. Je n’enviais plus rien.

« Or, un soir, comme nous étions allés nous promener un peu loin le long de la rivière, la pluie nous surprit. Elle eut froid.

« Le lendemain une fluxion de poitrine se déclara. Huit jours plus tard elle expirait.

« Pendant les heures d’agonie, l’étonnement, l’effarement m’empêchèrent de bien comprendre, de bien réfléchir.

« Quand elle fut morte, le désespoir brutal