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Et on restait trois heures à table en racontant des coups de fusil.

C’étaient d’étranges et invraisemblables aventures, où se complaisait l’humeur hâbleuse des chasseurs. Quelques-unes avaient fait date et revenaient régulièrement. L’histoire d’un lapin que le petit vicomte de Bourril avait manqué dans son vestibule les faisait se tordre chaque année de la même façon. Toutes les cinq minutes un nouvel orateur prononçait :

— J’entends : « Birr ! birr ! » et une compagnie magnifique me part à dix pas. J’ajuste : pif ! paf ! j’en vois tomber une pluie, une vraie pluie. Il y en avait sept !

Et tous, étonnés, mais réciproquement crédules, s’extasiaient.

Mais il existait dans la maison une vieille coutume, appelée le « conte de la Bécasse ».

Au moment du passage de cette reine des gibiers, la même cérémonie recommençait à chaque dîner.

Comme ils adoraient l’incomparable oiseau, on en mangeait tous les soirs un par convive ; mais on avait soin de laisser dans un plat toutes les têtes.

Alors le baron, officiant comme un évêque,