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CE COCHON DE MORIN

arrive, mais il a de la chance tout de même. »

Elle se remit à rire de tout son cœur.

« Êtes-vous drôle ? » Elle n’avait pas fini le mot « drôle » que je la tenais à pleins bras et je lui jetais des baisers voraces partout où je trouvais une place, dans les cheveux, sur le front, sur les yeux, sur la bouche parfois, sur les joues, par toute la tête, dont elle découvrait toujours malgré elle un coin pour garantir les autres.

À la fin, elle se dégagea, rouge et blessée. « Vous êtes un grossier, monsieur, et vous me faites repentir de vous avoir écouté. »

Je lui saisis la main, un peu confus, balbutiant : « Pardon, pardon, mademoiselle. Je vous ai blessée ; j’ai été brutal ! Ne m’en voulez pas. Si vous saviez ?… » Je cherchais vainement une excuse.

Elle prononça, au bout d’un moment : « Je n’ai rien à savoir, monsieur. »

Mais j’avais trouvé ; je m’écriai : « Mademoiselle, voici un an que je vous aime ! »