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CE COCHON DE MORIN

que ce cochon de Morin se soit trompé.

Je repris, en badinant : « Voyons Mademoiselle, avouez qu’il était excusable, car, enfin, on ne peut pas se trouver en face d’une aussi belle personne que vous sans éprouver le désir absolument légitime de l’embrasser. »

Elle rit plus fort, toutes les dents au vent : « Entre le désir et l’action, monsieur, il y a place pour le respect. »

La phrase était drôle, bien que peu claire. Je demandai brusquement : « Eh bien, voyons, si je vous embrassais, moi, maintenant ; qu’est-ce que vous feriez ? »

Elle s’arrêta pour me considérer du haut en bas, puis elle dit, tranquillement : « Oh, vous, ce n’est pas la même chose. »

Je le savais bien, parbleu, que ce n’était pas la même chose, puisqu’on m’appelait dans toute la province « le beau Labarbe ». J’avais trente ans, alors, mais je demandai : « Pourquoi ça ? »