Page:Maupassant - Contes de la bécasse, 1894.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
CE COCHON DE MORIN


Je lui disais : « Songez donc, mademoiselle, à tous les ennuis que vous aurez. Il vous faudra comparaître devant le tribunal, affronter les regards malicieux, parler en face de tout ce monde, raconter publiquement cette triste scène du wagon. Voyons, entre nous, n’auriez-vous pas mieux fait de ne rien dire, de remettre à sa place ce polisson sans appeler les employés ; et de changer simplement de voiture. »

Elle se mit à rire. « C’est vrai ce que vous dites ! mais que voulez-vous ? J’ai eu peur ; et, quand on a peur, on ne raisonne plus. Après avoir compris la situation, j’ai bien regretté mes cris ; mais il était trop tard. Songez aussi que cet imbécile s’est jeté sur moi comme un furieux, sans prononcer un mot, avec une figure de fou. Je ne savais même pas ce qu’il me voulait. »

Elle me regardait en face, sans être troublée ou intimidée. Je me disais : « Mais c’est une gaillarde, cette fille. Je comprends