Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.
270
saint-antoine

manquerait de fumier pour les travaux du printemps, acheta celui d’un voisin qui se trouvait dans la gêne ; et il fut convenu qu’il irait chaque soir avec son tombereau chercher une charge d’engrais.

Chaque jour donc il se mettait en route à l’approche de la nuit et se rendait à la ferme des Haules, distante d’une demi-lieue, toujours accompagné de son cochon. Et chaque jour c’était une fête de nourrir l’animal. Tout le pays accourait là comme on va, le dimanche, à la grand’messe.

Le soldat, cependant, commençait à se méfier ; et, quand on riait trop fort, il roulait des yeux inquiets qui, parfois, s’allumaient d’une flamme de colère.

Or, un soir, quand il eut mangé à sa contenance, il refusa d’avaler un morceau de plus ; et il essaya de se lever pour s’en aller. Mais Saint-Antoine l’arrêta d’un tour de poignet, et, lui posant ses deux mains puissantes sur les épaules, il le rassit si durement que la chaise s’écrasa sous l’homme.

Une gaieté de tempête éclata ; et Antoine, radieux, ramassant son cochon, fit semblant de le panser pour le guérir ; puis il déclara : « Puisque