Page:Maupassant - Clair de lune, 1905.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
la nuit

n’avais point d’allumettes. J’écoutai le tic-tac léger de la petite mécanique avec une joie inconnue et bizarre. Elle semblait vivre. J’étais moins seul. Quel mystère ! Je me remis en marche comme un aveugle, en tâtant les murs de ma canne, et je levais à tout moment mes yeux vers le ciel, espérant que le jour allait enfin paraître ; mais l’espace était noir, tout noir, plus profondément noir que la ville.

Quelle heure pouvait-il être ? Je marchais, me semblait-il, depuis un temps infini, car mes jambes fléchissaient sous moi, ma poitrine haletait, et je souffrais de la faim horriblement.

Je me décidai à sonner à la première porte cochère. Je tirai le bouton de cuivre, et le timbre tinta dans la maison sonore ; il tinta étrangement comme si ce bruit vibrant eût été seul dans cette maison.

J’attendis, on ne répondit pas, on n’ouvrit point la porte. Je sommai de nouveau ; j’attendis encore, — rien !

J’eus peur ! Je courus à la demeure suivante, et vingt fois de suite je fis résonner la sonnerie dans le couloir obscur où devait dormir le con-