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le père

Je gardai ces gens-là huit jours chez moi. La mère, Mlle Elmire, était une somnambule extra-lucide qui me promit une vie interminable et des félicités sans nombre.


L’année suivante, jour pour jour, vers la tombée de la nuit, le domestique qui m’appela tout à l’heure vint me trouver dans le fumoir après dîner, et me dit : « C’est la bohémienne de l’an dernier qui vient remercier Monsieur. »

J’ordonnai de la faire entrer et je demeurai stupéfait en apercevant à côté d’elle un grand garçon, gros et blond, un homme du Nord qui, m’ayant salué, prit la parole, comme chef de la communauté. Il avait appris ma bonté pour Mlle Elmire, et il n’avait pas voulu laisser passer cet anniversaire sans m’apporter leurs remerciements et le témoignage de leur reconnaissance.

Je leur offris à souper à la cuisine et l’hospitalité pour la nuit. Ils partirent le lendemain.

Or, la pauvre femme revient tous les ans, à la même date avec l’enfant, une superbe fillette, et un nouveau… seigneur chaque fois. Un seul, un Auvergnat qui me « remerchia » bien, reparut