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clair de lune

s’asseoir, de rester là, de contempler, d’admirer Dieu dans son œuvre.

Là-bas, suivant les ondulations de la petite rivière, une grande ligne de peupliers serpentait. Une buée fine, une vapeur blanche que les rayons de lune traversaient, argentaient, rendaient luisante, restait suspendue autour et au-dessus des berges, enveloppait tout le cours tortueux de l’eau d’une sorte de ouate légère et transparente.

Le prêtre encore une fois s’arrêta, pénétré jusqu’au fond de l’âme par un attendrissement grandissant, irrésistible.

Et un doute, une inquiétude vague l’envahissait ; il sentait naître en lui une de ces interrogations qu’il se posait parfois.

Pourquoi Dieu avait-il fait cela ? Puisque la nuit est destinée au sommeil, à l’inconscience, au repos, à l’oubli de tout, pourquoi la rendre plus charmante que le jour, plus douce que les aurores et que les soirs, et pourquoi cet astre lent et séduisant, plus poétique que le soleil et qui semble destiné, tant il est discret, à éclairer des choses trop délicates et mystérieuses pour la