leux arbustes, une rivière sautant les pierres, écumante, tortueuse. J’y trempai ma main : l’eau était chaude, presque brûlante.
Sur les bords, de gros crabes, des centaines de crabes fuyaient devant moi ; une longue couleuvre parfois glissait dans l’eau, et des lézards énormes s’enfonçaient dans les taillis.
Soudain, un grand bruit me fit tressaillir. À quelques pas, un aigle s’envolait. L’immense oiseau, surpris, s’éleva brusquement vers le ciel bleu, et il était si large qu’il semblait toucher avec ses ailes les deux murailles de pierre calcinée qui enfermaient le ravin.
Après une heure de marche, je rejoignis la route qui monte vers Aïn-el-Hadjar.
Devant moi, une femme marchait, une vieille femme courbée, qui s’abritait du soleil sous un antique parapluie.
Il est bien rare, en ces contrées, de voir une femme, hormis les grandes négresses luisantes, chamarrées d’étoffes jaunes ou bleues. Je rejoignis la femme. Elle était ridée, soufflait, semblait exténuée et désespérée, avec une face sévère et triste. Elle allait à petits pas, sous la chaleur accablante. Je lui parlai, et soudain sa colère indignée éclata. C’était une Alsacienne qu’on avait envoyée en ces pays désolés avec ses quatre fils, après la guerre. Trois de ses enfants étaient morts en ce climat meurtrier ; il en restait un, malade aussi maintenant ; et leurs terres ne rapportaient rien, bien que grandes, car elles n’avaient pas une