CHEZ LE MINISTRE
Les journaux nous ont annoncé l’autre jour un fait absolument surprenant. Un étudiant, M. Martin, vient de se voir exclu pour la vie des Facultés de l’État, c’est-à-dire mis dans l’impossibilité d’exercer jamais une carrière exigeant des diplômes, d’être avocat, médecin, etc., pour avoir collaboré à un petit journal grivois, nommé « La Bavarde ».
Cette décision du conseil de l’instruction publique semble si monstrueuse, si invraisemblablement révoltante qu’on hésite d’abord à y croire. Comment, voici un homme exclu d’une bonne moitié des professions libérales pour avoir écrit quelques articles moins impudiques, assurément, que les œuvres d’Aristophane, d’Apulée, d’Ovide, de Plaute, de Rabelais, de Brantôme, de La Fontaine, de Boccace, de Voltaire, de Rameau, de Diderot, de Th. Gautier (voir le Parnasse satyrique), et de bien d’autres. Voici un homme privé de tout moyen d’existence s’il se destinait à la médecine, puisqu’on ne peut exercer cet art sans l’autorisation de l’État, privé de tout moyen d’existence s’il voulait être avocat, puisque ce brevet de bavard patenté doit être signé par des hommes autorisés, et cela, parce qu’il a plaisanté,