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Il ne faut donc pas qu’il existe de malentendu entre l’auteur et le public, et que le lecteur en quête d’aventures vienne dire : « Ça, un roman ? Mais il n’y a pas d’intrigue. » C’est un roman, oui, mais un roman philosophique, et le plus prodigieux qu’on ait jamais écrit. Les critiques assurément vont proclamer des choses surprenantes et, au nom de l’art pour tous, attaquer cet art à l’usage des seules intelligences. Il est même probable qu’on contestera le droit de l’auteur de donner cette forme imagée du roman à des discussions de pure philosophie. Tant pis pour ceux qui penseront ainsi ; c’est alors qu’ils ne comprendront pas. Ce livre touche à tout ce qu’il a de plus grand, de plus curieux, de plus subtil et de plus intéressant dans l’homme : c’est l’histoire de l’idée sous toutes ses formes, dans toutes ses manifestations, avec toutes ses transformations, dans sa faiblesse et dans sa puissance.