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hurlant : « V’là Padoie… V’là Padoie… V’là Padoie… »

Puis, lâchant le percepteur éperdu de surprise, il lui cria dans la figure :

— Ah ! ah ! ah ! farceur !… farceur. Tu fais donc la fête, toi… Ah ! farceur..... Et ma sœur !… Tu la lâches, dis !…

Et songeant à tous les bénéfices de cette situation inespérée, à l’emprunt forcé, ou chantage inévitable, il se jeta tout au long sur le canapé et se mit à rire si fort que tout le meuble en craquait.

Les trois jeunes dames, se levant d’un seul mouvement, se sauvèrent, tandis que la vieille reculait vers la porte, paraissait prête à défaillir.

Et deux messieurs apparurent, décorés, tous deux en habit. Padoie se précipita vers eux :

— Oh ! monsieur le président… il est fou… il est fou… On nous l’avait envoyé en convalescence… vous voyez bien qu’il est fou…

Varajou s’était assis, ne comprenant plus, devinant tout à coup qu’il avait fait quelque monstrueuse sottise. Puis il se leva, et se tournant vers son beau-frère :

— Où donc sommes-nous ici ? demanda-t-il.

Mais Padoie, saisi soudain d’une colère folle, balbutia :

— Où… Où… où nous sommes… Malheureux… misérable… infâme… Où nous sommes… Chez monsieur le premier président !.... chez monsieur le premier président de Mortemain… de Mortemain… de… de… de… Mortemain..... Ah !… ah !… canaille !… canaille !… canaille !…