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Et il riait, il triomphait tout seul, il répétait tout haut, comme le barbier du roi Midas, dans les roseaux du fleuve, en pêchant l’ablette :

— Fichue dedans, la patronne.

Et le bonheur de ficher dedans Mme Bompard équivalait, certes, pour lui, à tout ce qu’avait d’imparfait et d’incomplet sa conquête à gages.


Or, un soir, il trouva comme d’habitude Victorine l’attendant sur les marches, mais elle lui parut plus vive, plus animée que d’habitude, et il demeura peut-être dix minutes au rendez-vous du corridor.

Quand il entra dans la chambre conjugale, Mme Bombard n’y était pas. Il sentit un grand frisson froid qui lui courait dans le dos et il tomba sur une chaise, torturé d’angoisse.

Elle apparut, un bougeoir à la main.

Il demanda, tremblant :

— Tu étais sortie ?

Elle répondit tranquillement :

— Je été dans la cuisine boire un verre d’eau.

Il s’efforça de calmer les soupçons qu’elle pouvait avoir ; mais elle semblait tranquille, heureuse, confiante ; et il se rassura.

Quand ils pénétrèrent, le lendemain, dans la salle à manger pour déjeuner, Victorine mit sur la table les côtelettes.

Comme elle se relevait, Mme Bombard lui tendit un