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le problème des jambes absentes dans ces figures à deux têtes embrouillait tout à fait les images écloses en sa pensée.

Alors il conçut un plan, un vrai plan de Normand rusé. Il fit prendre à sa femme une bonne qui lui convenait ; non point une belle fille, une coquette, une parée, mais une gaillarde, rouge et rablée, qui n’éveillerait point de soupçons et qu’il avait préparée avec soins à ses projets.

Elle leur fut donnée en confiance par le directeur de l’octroi, un ami complice et complaisant qui la garantissait sous tous les rapports. Et Mme  Bombard accepta avec confiance le trésor qu’on lui présentait.

Simon fut heureux, heureux avec précaution, avec crainte, et avec des difficultés incroyables.

Il ne dérobait à la surveillance inquiète de sa femme que de très courts instants, par-ci par-là, sans tranquillité.

Il cherchait un truc, un stratagème, et il finit par en trouver un qui réussit parfaitement.

Mme  Bombard qui n’avait rien à faire se couchait tôt, tandis que Bombard qui jouait au whist, au café du Commerce, rentrait chaque jour à neuf heures et demie précises. Il imagina de faire attendre Victorine dans le couloir de sa maison, sur les marches du vestibule, dans l’obscurité.

Il avait cinq minutes au plus, car il redoutait toujours une surprise ; mais enfin cinq minutes de temps en temps suffisaient à son ardeur, et il glissait un louis, car il était large en ses plaisirs, dans la main de la servante, qui remontait bien vite à son grenier.