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dressa, regarda le cadran, se mit à rire en murmurant « Oh ! doit-il être agité ! » puis elle partit d’une marche plus vive, et sortit du square.

Elle n’avait point fait dix pas sur la place quand elle se trouva nez à nez avec un monsieur qui la salua profondément.

— Tiens, vous, baron ? — dit-elle, surprise. Elle venait justement de penser à lui.

— Oui, madame.

Et il s’informa de sa santé, puis, après quelques vagues propos, il reprit :

— Vous savez que vous êtes la seule — vous permettez que je dise de mes amies, n’est-ce pas ? — qui ne soit point encore venue visiter mes collections japonaises.

— Mais, mon cher baron, une femme ne peut aller ainsi chez un garçon !

— Comment ! comment ! en voilà une erreur quand il s’agit de visiter une collection rare !

— En tout cas, elle ne peut y aller seule.

— Et pourquoi pas ? mais j’en ai reçu des multitudes de femmes seules, rien que pour ma galerie ! J’en reçois tous les jours. Voulez-vous que je vous les nomme — non — je ne le ferai point. Il faut être discret même pour ce qui n’est pas coupable. En principe, il n’est inconvenant d’entrer chez un homme sérieux, connu, dans une certaine situation, que lorsqu’on y va pour une cause inavouable !

— Au fond, c’est assez juste ce que vous dites-là.

— Alors vous venez voir ma collection.

— Quand ?