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prévisions, égarait ses uhlans, tuait ses avant-gardes.

Un matin, le général le fit appeler.

— Lieutenant, dit-il, voici une dépêche du général de Lacère qui est perdu si nous n’arrivons pas à son secours demain au lever du soleil. Il est à Blainville, à huit lieues d’ici. Vous partirez à la nuit tombante avec trois cents hommes que vous échelonnerez tout le long du chemin. Je vous suivrai deux heures après. Étudiez la route avec soin ; j’ai peur de rencontrer une division ennemie.

Il gelait fortement depuis huit jours. À deux heures, la neige commença de tomber ; le soir, la terre en était couverte, et d’épais tourbillons blancs voilaient les objets les plus proches.

À six heures le détachement se mit en route.

Deux hommes marchaient en éclaireurs, seuls, à trois cents mètres en avant. Puis venait un peloton de dix hommes que le lieutenant commandait lui-même. Le reste s’avançait ensuite sur deux longues colonnes. À trois cents mètres sur les flancs de la petite troupe, à droite et à gauche, quelques soldats allaient deux par deux.

La neige, qui tombait toujours, les poudrait de blanc dans l’ombre ; elle ne fondait pas sur leurs vêtements, de sorte que, la nuit étant obscure, ils tachaient à peine la pâleur uniforme de la campagne.