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première neige

Mais une terreur la saisit d’avoir dit cela, et elle ajouta bien vite :

— Et puis… j’ai… j’ai un peu froid.

À cette parole, il s’irrita :

— Ah ! oui… toujours ton idée de calorifère. Mais voyons, sacrebleu ! tu n’as seulement pas eu un rhume depuis que tu es ici.

La nuit vint. Elle monta dans sa chambre, car elle avait exigé une chambre séparée. Elle se coucha. Même en son lit, elle avait froid. Elle pensait :

— Ce sera ainsi toujours, toujours, jusqu’à la mort.

Et elle songeait à son mari. Comment avait-il pu lui dire cela :

« Tu n’as seulement pas eu un rhume depuis que tu es ici. »

Il fallait donc qu’elle fût malade, qu’elle toussât pour qu’il comprît qu’elle souffrait !

Et une indignation la saisit, une indignation exaspérée de faible, de timide.

Il fallait qu’elle toussât. Alors il aurait pitié d’elle, sans doute. Eh bien ! elle tousserait ; il l’entendrait tousser ; il faudrait appeler le médecin ; il verrait cela, son mari, il verrait !

Elle s’était levée nu-jambes, nu-pieds, et une idée enfantine la fit sourire :

— Je veux un calorifère, et je l’aurai. Je tousserai tant, qu’il faudra bien qu’il se décide à en installer un.

Et elle s’assit presque nue, sur une chaise. Elle attendit une heure, deux heures. Elle grelottait, mais