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le vengeur

Elle fit de la tête un léger mouvement qui signifiait : « Non… pas habile du tout. »

Il reprit : « Il devait bien t’ennuyer, la nuit, hein ? »

Elle eut, cette fois, un accès de franchise en répondant : « Oh ! oui ! »

Il l’embrassa de nouveau pour cette parole et murmura : « Quelle brute c’était ! Tu n’étais pas heureuse avec lui ? »

Elle répondit : « Non. Ça n’était pas gai tous les jours. »

Leuillet se sentit enchanté, établissant en son esprit une comparaison toute à son avantage entre l’ancienne situation de sa femme et la nouvelle.

Il demeura quelque temps sans parler, puis il eut une secousse de gaieté et demanda :

— Dis donc ?

— Quoi ?

— Veux-tu être bien franche, bien franche avec moi ?

— Mais oui, mon ami.

— Eh bien, là, vrai, est-ce que tu n’as jamais eu la tentation de le… de le… de le tromper, cet imbécile de Souris ?

Mme Leuillet fit un petit « Oh ! » de pudeur et se cacha encore plus étroitement dans la poitrine de son mari. Mais il s’aperçut qu’elle riait.

Il insista : — Là, vraiment, avoue-le ? Il avait si bien une tête de cocu, cet animal-là ! Ce serait si drôle, si drôle ! Ce bon Souris. Voyons, voyons, ma chérie, tu peux bien me dire ça, à moi, à moi, surtout.

Il insistait sur « à moi », pensant bien que si elle