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une soirée

Duez, Clairin, Jean-Paul Laurens ; ce sera une fête épatante. Et des femmes, tu verras ! Toutes les actrices sans exception, toutes celles qui n’ont rien à faire ce soir, bien entendu.

Le patron de l’établissement s’était approché.

— Vous la pendez souvent, cette crémaillère ?

Le peintre répondit :

— Je vous crois, tous les trois mois, à chaque terme.

Me Saval n’y tint plus et d’une voix hésitante :

— Je vous demande pardon de vous déranger, monsieur, mais j’ai entendu prononcer votre nom et je serais fort désireux de savoir si vous êtes bien M. Romantin dont j’ai tant admiré l’œuvre au dernier Salon.

L’artiste répondit :

— Lui-même, en personne, monsieur.

Le notaire alors fit un compliment bien tourné, prouvant qu’il avait des lettres.

Le peintre, séduit, répondit par des politesses. On causa.

Romantin en revint à sa crémaillère, détaillant les magnificences de la fête.

Me Saval l’interrogea sur tous les hommes qu’il allait recevoir, ajoutant :

— Ce serait pour un étranger une extraordinaire bonne fortune que de rencontrer, d’un seul coup, tant de célébrités réunies chez un artiste de votre valeur.

Romantin, conquis, répondit :

— Si ça peut vous être agréable, venez.

Me Saval accepta avec enthousiasme, pensant :

— J’aurai toujours le temps de voir Henri VIII.