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rose

J’étais stupéfaite de ses facultés. Jamais je ne m’étais trouvée servie ainsi.

Elle m’habillait rapidement avec une légèreté de mains étonnante. Jamais je ne sentais ses doigts sur ma peau, et rien ne m’est désagréable comme le contact d’une main de bonne. Je pris bientôt des habitudes de paresse excessives, tant il m’était agréable de me laisser vêtir, des pieds à la tête, et de la chemise aux gants, par cette grande fille timide, toujours un peu rougissante, et qui ne parlait jamais. Au sortir du bain, elle me frictionnait et me massait pendant que je sommeillais un peu sur mon divan ; je la considérais, ma foi, en amie de condition inférieure, plutôt qu’en simple domestique.

Or, un matin, mon concierge demanda avec mystère à me parler. Je fus surprise et je le fis entrer. C’était un homme très sûr, un vieux soldat, ancienne ordonnance de mon mari.

Il paraissait gêné de ce qu’il avait à dire. Enfin, il prononça en bredouillant :

— Madame, il y a en bas le commissaire de police du quartier.

Je demandai brusquement :

— Qu’est-ce qu’il veut ?

— Il veut faire une perquisition dans l’hôtel.

Certes, la police est utile, mais je la déteste. Je trouve que ce n’est pas là un métier noble. Et je répondis, irritée autant que blessée :

— Pourquoi cette perquisition ? À quel propos ? Il n’entrera pas.

Le concierge reprit :

— Il prétend qu’il y a un malfaiteur caché.