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le protecteur

Il eut d’abord une crise d’orgueil à en perdre la tête. Il allait dans les rues pour le plaisir de se montrer
comme si on eût pu deviner sa position rien qu’à le voir. Il trouvait le moyen de dire aux marchands chez qui il entrait, aux vendeurs de journaux, même aux cochers de fiacre, à propos des choses les plus insignifiantes :

— Moi qui suis conseiller d’État…

Puis il éprouva, naturellement, comme par suite de sa dignité, par nécessité professionnelle, par devoir d’homme puissant et généreux, un impérieux besoin de protéger. Il offrait son appui à tout le monde, en toute occasion, avec une inépuisable générosité.

Quand il rencontrait sur les boulevards une figure de connaissance, il s’avançait d’un air ravi, prenait les