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Voici trente ans environ, deux jeunes gens, deux frères, deux de ces garçons travaillés par des besoins d’art encore indécis, par cette démangeaison du Beau que portent en eux ceux qui seront plus tard de grands hommes, visitaient, avec passion, toutes les vieilles boutiques de Paris. Attirés par un invincible attrait vers ce dix-huitième siècle qui est et qui restera le grand siècle de la France, le siècle de l’art par excellence, de la grâce et de la beauté, ils cherchaient dans les cartons des marchands d’estampes tout ce qui venait de cette époque charmante alors méprisée. Ils trouvaient des dessins de Watteau, de Boucher, de Fragonard, de Chardin. Quand l’un mettait la main sur une de ces merveilles méconnues, d’un geste il prévenait l’autre, et, pâles tous deux, ils contemplaient la trouvaille et l’emportaient, le cœur battant.