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l’heure. Puis il appela : « Garçon, donnez-moi la Vie Française ».

Un homme à tablier blanc accourut :

— Nous ne l’avons pas, monsieur, nous ne recevons que le Rappel, le Siècle, la Lanterne, et le Petit Parisien.

Duroy déclara, d’un ton furieux et indigné :

— En voilà une boîte ! Alors, allez me l’acheter.

Le garçon y courut, la rapporta. Duroy se mit à lire son article ; et plusieurs fois il dit, tout haut : Très bien, très bien ! pour attirer l’attention des voisins et leur inspirer le désir de savoir ce qu’il y avait dans cette feuille. Puis il la laissa sur la table en s’en allant. Le patron s’en aperçut, le rappela :

— Monsieur, monsieur, vous oubliez votre journal !

Et Duroy répondit :

— Je vous le laisse, je l’ai lu. Il y a d’ailleurs aujourd’hui, dedans, une chose très intéressante.

Il ne désigna pas la chose, mais il vit, en s’en allant, un de ses voisins prendre la Vie Française sur la table où il l’avait laissée.

Il pensa : « Que vais-je faire, maintenant ? » Et il se décida à aller à son bureau toucher son mois et donner sa démission. Il tressaillait d’avance de plaisir à la pensée de la tête que