Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.

entrés, ils allèrent l’un après l’autre chercher le joujou qui leur appartenait. Bientôt ils furent six, côte à côte, le dos au mur, qui lançaient en l’air, d’un mouvement pareil et régulier, les boules rouges, jaunes ou noires, suivant la nature du bois. Et une lutte s’étant établie, les deux rédacteurs qui travaillaient encore se levèrent pour juger les coups.

Forestier gagna de onze points. Alors le petit homme à l’air enfantin, qui avait perdu, sonna le garçon de bureau et commanda : « Neuf bocks ». Et ils se remirent à jouer en attendant les rafraîchissements.

Duroy but un verre de bière avec ses nouveaux confrères, puis il demanda à son ami :

— Que faut-il que je fasse ?

L’autre répondit :

— Je n’ai rien pour toi aujourd’hui. Tu peux t’en aller si tu veux.

— Et… notre… notre… article… est-ce ce soir qu’il passera ?

— Oui, mais ne t’en occupe pas : je corrigerai les épreuves. Fais la suite pour demain, et viens ici à trois heures, comme aujourd’hui.

Et Duroy, ayant serré toutes les mains sans savoir même le nom de leurs possesseurs, redescendit le bel escalier, le cœur joyeux et l’esprit allègre.