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qui l’amena dans une grande salle quatre messieurs écrivaient autour d’une large table verte.

Forestier, debout devant la cheminée, fumait une cigarette en jouant au bilboquet. Il était très adroit à ce jeu et piquait à tous coups la bille énorme en buis jaune sur la petite pointe de bois. Il comptait : « Vingt-deux, — vingt-trois, — vingt-quatre, — vingt-cinq. »

Duroy prononça : « Vingt-six ». Et son ami leva les yeux, sans arrêter le mouvement régulier de son bras.

— Tiens, te voilà ! Hier j’ai fait cinquante-sept coups de suite. Il n’y a que Saint-Potin qui soit plus fort que moi ici. As-tu vu le patron ? Il n’y a rien de plus drôle que de regarder cette vieille bedole de Norbert jouer au bilboquet. Il ouvre la bouche comme pour avaler la boule.

Un des rédacteurs tourna la tête vers lui :

— Dis donc, Forestier, j’en connais un à vendre, un superbe, en bois des îles. Il a appartenu à la reine d’Espagne, à ce qu’on dit. On en réclame soixante francs. Ça n’est pas cher.

Forestier demanda :

— Où loge-t-il ?

Et comme il avait manqué son trente-