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moi, je n’osais pas, je ne voulais pas. Vous comprenez ?

Elle se leva :

— Ça va être charmant de collaborer comme ça. Je suis ravie de votre idée. Tenez, asseyez-vous à ma place, car on connaît mon écriture au journal. Et nous allons vous tourner un article, mais là, un article à succès.

Il s’assit, prit une plume, étala devant lui une feuille de papier, et attendit.

Mme  Forestier, restée debout, le regardait faire ses préparatifs ; puis elle atteignit une cigarette sur la cheminée et l’alluma :

— Je ne puis pas travailler sans fumer, dit-elle. Voyons, qu’allez-vous raconter ?

Il leva la tête vers elle avec étonnement.

— Mais je ne sais pas, moi, puisque je suis venu vous trouver pour ça.

Elle reprit :

— Oui, je vous arrangerai la chose. Je ferai la sauce, mais il me faut le plat.

Il demeurait embarrassé ; enfin il prononça avec hésitation :

— Je voudrais raconter mon voyage depuis le commencement…

Alors elle s’assit, en face de lui, de l’autre côté de la grande table, et le regardant dans les yeux :

— Eh bien, racontez-le-moi d’abord,