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quelqu’une de tes maîtresses qui t’aura fait une scène.

— Je n’ai pas de maîtresses.

— Tais-toi donc ! Mais pourquoi ne viens-tu plus même me voir ? Pourquoi refuses-tu de dîner, rien qu’un jour par semaine, avec moi ? C’est atroce ce que je souffre ; je t’aime à n’avoir plus une pensée qui ne soit pour toi, à ne pouvoir rien regarder sans te voir devant mes yeux, à ne plus oser prononcer un mot sans avoir peur de dire ton nom ! Tu ne comprends pas ça, toi ! Il me semble que je suis prise dans des griffes, nouée dans un sac, je ne sais pas. Ton souvenir, toujours présent, me serre la gorge, me déchire quelque chose là, dans la poitrine, sous le sein, me casse les jambes à ne plus me laisser la force de marcher. Et je reste comme une bête, toute la journée, sur une chaise, en pensant à toi.

Il la regardait avec étonnement. Ce n’était plus la grosse gamine folâtre qu’il avait connue, mais une femme éperdue, désespérée, capable de tout.

Un projet vague, cependant, naissant dans son esprit. Il répondit :

— Ma chère, l’amour n’est pas éternel. On se prend et on se quitte. Mais quand ça dure comme entre nous ça devient un boulet horrible. Je n’en veux plus. Voilà la vérité.