Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et une envie de parler lui venait, de se faire remarquer, d’être écouté, apprécié comme ces hommes dont on savourait les moindres expressions.

Mais la causerie qui allait sans cesse, accrochant les idées les unes aux autres, sautant d’un sujet à l’autre sur un mot, sur un rien, après avoir fait le tour des événements du jour et avoir effleuré, en passant, mille questions, revint à la grande interpellation de M. Morel sur la colonisation de l’Algérie.

M. Walter, entre deux services, fit quelques plaisanteries, car il avait l’esprit sceptique et gras. Forestier raconta son article du lendemain ; Jacques Rival réclama un gouvernement militaire avec des concessions de terre accordées à tous les officiers après trente années de service colonial.

— De cette façon, disait-il, vous créerez une société énergique, ayant appris depuis longtemps à connaître et à aimer le pays, sachant sa langue et au courant de toutes ces graves questions locales auxquelles se heurtent infailliblement les nouveaux venus.

Norbert de Varenne l’interrompit :

— Oui… ils sauront tout, excepté l’agriculture. Ils parleront l’arabe, mais ils ignoreront comment on repique des betteraves et comment on sème du blé. Ils seront même