Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/357

Cette page a été validée par deux contributeurs.

servait quand il s’exerçait sous la direction de Saint-Potin, était orné d’une faveur rose. Tous avaient été rangés sur la même planche, par rang de taille ; et une pancarte, pareille à celle des musées, portait écrit : « Ancienne collection Forestier et Cie, Forestier-Du Roy, successeur, breveté S. G. D. G. Articles inusables pouvant servir en toutes circonstances, même en voyage. »

Il referma l’armoire avec calme, en prononçant assez haut pour être entendu :

— Il y a des imbéciles et des envieux partout.

Mais il était blessé dans son orgueil, blessé dans sa vanité, cette vanité et cet orgueil ombrageux d’écrivain, qui produisent cette susceptibilité nerveuse toujours en éveil, égale chez le reporter et chez le poète génial.

Ce mot : « Forestier » déchirait son oreille ; il avait peur de l’entendre, et se sentait rougir en l’entendant.

Il était pour lui, ce nom, une raillerie mordante, plus qu’une raillerie, presque une insulte. Il lui criait : « C’est ta femme qui fait ta besogne comme elle faisait celle de l’autre. Tu ne serais rien sans elle. »

Il admettait parfaitement que Forestier n’eût rien été sans Madeleine ; mais quant à lui, allons donc !