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dont il possédait la femme. Il craignait que quelque chose le trahît, un peu de gêne, un regard, n’importe quoi. Il balbutiait :

— Non, j’aime mieux ne pas faire la connaissance de ton mari.

Elle insista, fort étonnée, debout devant lui et ouvrant des yeux naïfs.

— Mais pourquoi ? quelle drôle de chose ? Ça arrive tous les jours, ça ! Je ne t’aurais pas cru si nigaud, par exemple.

Il fut blessé :

— Eh bien, soit, je viendrai dîner lundi.

Elle ajouta :

— Pour que ce soit bien naturel, j’aurai les Forestier. Ça ne m’amuse pourtant pas de recevoir du monde chez moi.

Jusqu’au lundi, Duroy ne pensa plus guère à cette entrevue ; mais voilà qu’en montant l’escalier de Mme  de Marelle, il se sentit étrangement troublé, non pas qu’il lui répugnât de prendre la main de ce mari, de boire son vin et de manger son pain, mais il avait peur de quelque chose, sans savoir de quoi.

On le fit entrer dans le salon, et il attendit, comme toujours. Puis la porte de la chambre s’ouvrit, et il aperçut un grand homme à barbe blanche, décoré, grave et correct, qui vint à lui avec une politesse minutieuse :

— Ma femme m’a souvent parlé de vous,