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nous-mêmes. On dirait vraiment qu’il nous prend pour ses lecteurs.

Puis ils descendirent sur le boulevard, et le reporter demanda :

— Buvez-vous quelque chose ?

— Oui, volontiers. Il fait très chaud.

Ils entrèrent dans un café et se firent servir des boissons fraîches. Et Saint-Potin se mit à parler. Il parla de tout le monde et du journal avec une profusion de détails surprenants.

— Le patron ? Un vrai juif ! Et vous savez, les juifs, on ne les changera jamais. Quelle race !

Et il cita des traits étonnants d’avarice, de cette avarice particulière aux fils d’Israël, des économies de dix centimes, des marchandages de cuisinière, des rabais honteux demandés et obtenus, toute une manière d’être d’usurier, de prêteur à gages.

— Et avec ça, pourtant, un bon zig qui ne croit à rien et roule tout le monde. Son journal, qui est officieux, catholique, libéral, républicain, orléaniste, tarte à la crème et boutique à treize, n’a été fondé que pour soutenir ses opérations de bourse et ses entreprises de toute sorte. Pour ça il est très fort, et il gagne des millions au moyen de sociétés qui n’ont pas quatre sous de capital…