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province d’alger

Chiffa. C’est par là que passe la route de Médéah, de Boukhrari et de Laghouat.

On entre dans la coupure du mont ; on suit la mince rivière, la Chiffa ; on s’enfonce dans la gorge étroite, sauvage et boisée.

Partout des sources. Les arbres gravissent les parois à pic, s’accrochent partout, semblent monter à l’escalade.

Le passage se rétrécit encore. Les rochers droits vous menacent ; le ciel apparaît comme une bande bleue entre les sommets ; puis soudain, dans un brusque détour, une petite auberge se montre à la naissance d’un ravin couvert d’arbres. C’est l’auberge du Ruisseau-des-Singes.

Devant la porte, l’eau chante dans les réservoirs ; elle s’élance, retombe, emplit ce coin de fraîcheur, fait songer aux calmes vallons suisses. On se repose, on s’assoupit à l’ombre ; mais soudain, sur votre tête, une branche remue ; on se lève — alors dans toute l’épaisseur du feuillage c’est une fuite précipitée de singes, des bondissements, des dégringolades, des sauts et des cris.

Il y en a d’énormes et de tout petits, des centaines, des milliers peut-être. Le bois en est rempli, peuplé, fourmillant. Quelques-uns, captivés