Page:Maupassant - Au soleil - Ollendorff, 1902.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
province d’alger

servent de boutiques ; et les maisons de plaisir clandestines, pleines de rumeurs, sont si nombreuses qu’on ne marche guère cinq minutes sans en rencontrer deux ou trois.

Dans les cafés arabes, des files d’hommes tassés les uns contre les autres, accroupis sur la banquette collée au mur, ou simplement restés par terre, boivent du café en des vases microscopiques. Ils sont là immobiles et muets, gardant à la main leur tasse qu’ils portent parfois à leur bouche, par un mouvement très lent, et ils peuvent tenir à vingt, tant ils sont pressés, en un espace où nous serions gênés à dix.

Et des fanatiques à l’air calme vont et viennent au milieu de ces tranquilles buveurs, prêchant la révolte, annonçant la fin de la servitude.

C’est, dit-on, au ksar (village arabe) de Boukhrari que se produisent toujours les premiers symptômes des grandes insurrections. Ce village se trouve sur la route de Laghouat. Allons-y.

Quand on regarde l’Atlas, de l’immense plaine de la Mitidja, on aperçoit une coupure gigantesque qui fend la montagne dans la direction du sud. C’est comme si un coup de hache l’eût ouverte. Cette trouée s’appelle la gorge de la