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province d’alger

un silence et une régularité fantastiques. On n’entend point là-dedans le fracas des chaises, les toux et les chuchotements des églises catholiques. On sent qu’une foi sauvage plane, emplit ces gens, les courbe et les relève comme des pantins ; c’est une foi muette et tyrannique envahissant les corps, immobilisant les faces, tordant les cœurs. Un indéfinissable sentiment de respect, mêlé de pitié, vous prend devant ces fanatiques maigres, qui n’ont point de ventre pour gêner leurs souples prosternations, et qui font de la religion avec le mécanisme et la rectitude des soldats prussiens faisant la manœuvre.

Les murs sont blancs, les tapis, par terre, sont rouges ; les hommes sont blancs, ou rouges ou bleus avec d’autres couleurs encore, suivant la fantaisie de leurs vêtements d’apparat, mais tous sont largement drapés, d’allure fière ; et ils reçoivent sur la tête et les épaules la lumière douce tombant des lustres.

Une famille de marabouts occupe une estrade et chante les répons avec la même intonation de tête donnée par le mufti. Et cela continue indéfiniment.

C’est pendant les soirs du Ramadan qu’il faut visiter la Casbah. Sous cette dénomination de