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la province d’oran

population civile n’a pour l’uniforme aucun respect.

L’auberge du lieu laisse tout à désirer. Je me couche sur une paillasse dans une chambre blanchie à la chaux. La chaleur est intolérable. Je ferme les yeux pour dormir. Hélas !

Ma fenêtre est ouverte, donnant sur une petite cour. J’entends aboyer des chiens. Ils sont loin, très loin, et jappent par saccades comme s’ils se répondaient.

Mais bientôt ils approchent, ils viennent ; ils sont là maintenant contre les maisons, dans les vignes, dans les rues. Ils sont là, cinq cents, mille peut-être, affamés, féroces, les chiens qui gardaient sur les hauts plateaux les campements des Espagnols. Leurs maîtres tués ou partis, les bêtes ont rôdé, mourant de faim ; puis elles ont trouvé la ville, et elles la cernent, comme une armée. Le jour, elles dorment dans les ravins, sous les roches, dans les trous de la montagne : et, sitôt la nuit tombée, elles gagnent Saïda pour chercher leur vie.

Les hommes qui rentrent tard chez eux marchent le revolver au poing, suivis, flairés par vingt ou trente chiens jaunes pareils à des renards.