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le creusot

où fonctionnent quatre énormes machines. Elles vont avec lenteur, remuant leurs roues, leurs pistons, leurs tiges. Que font-elles ? Pas autre chose que de souffler de l’air aux hauts fourneaux où bout le métal en fusion. Elles sont les poumons monstrueux des cornues colossales que nous allons voir. Elles respirent, rien de plus ; elles font vivre et digérer les monstres.

Et voici les cornues : elles sont deux, aux deux extrémités d’une autre galerie, grosses comme des tours, ventrues, rugissantes et crachant un tel jet de flamme qu’à cent mètres les yeux sont aveuglés, la peau brûlée, et qu’on halète comme dans une étuve.

On dirait un volcan furieux. Le feu qui sort de la bouche est blanc, insoutenable à la vue et projeté avec tant de force et de bruit que rien n’en peut donner l’idée.

Là dedans l’acier bout, l’acier Bessmer dont on fait les rails. Un homme fort, beau, jeune, grave, coiffé d’un grand feutre noir, regarde attentivement l’effroyable souffle. Il est assis devant une roue pareille au gouvernail d’un navire et parfois il la fait tourner à la façon des pilotes. Aussitôt la colère de la cornue augmente, elle crache un ouragan de flammes, c’est que le